Note sur "La politique du peuple" de R DUPUY
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Note sur "La politique du peuple" de R DUPUY
"La politique du peuple", le livre (1) de de Roger Dupuy est sous-titré "Racines, permanences et ambiguïtés du populisme".
La struture de l’ouvrage est la suivante : 1 ) Le peuple sans politique ou l’histoire d’une négation XVIII siècle - vers 1960), 2) L’émergence historiographique de la politique populaire, 3) Eléments de la politique du peuple, 4) Politique de peuple et Révolution, 5) Les survivances de la politique du peuple au XIX ème siècle jusqu’à l’affaire Boulanger (1885), Politique du peuple et populisme de Boulanger à aujourd’hui.
L’auteur s’étonne de voir trop souvent le populisme débuter avec les Narodniki et le boulangisme comme si le bonapartisme n’était pas aussi un populisme. Il va chercher une politique du peuple au sein de l’Ancien Régime. Pour la période révolutionnaire l’auteur réfute la définition de "révolution bourgeoise" en 1789 au motif que les couches populaires avaient grandement participé à cette révolution qui n’a pas opposé uniquement noblesse et bourgeoisie. Reste que la bourgeoisie est bien la grande gagnante de cette révolution et que les couches populaires vont durablement rester dans la misère. Néanmoins, l’ouvrage montre par de multiples développements cette activité variable dans le temps des couches populaires, qu’il s’agisse des paysans ou des ouvriers. Quelle différence entre politique du peuple et populisme ? Simple variation d’intensité ou différence effective de nature ? Il apparait dit-il plus loin que si un égalitarisme profond apparaît au moment des crises, la vie ordinaire montre l’acceptation des anciennes hiérarchies, parfois légèrement modifié.
La "politique du peuple" n’est pas nécessairement réactionnaire. Ce n’est pas seulement un sous-produit du nationalisme ainsi que le défend Michel Wievorka (1993) car il faut laisser place à l’idée de trahison par le personnel politique en place de droite comme de gauche. Dès lors il peut y avoir une montée de populisme à droite et à gauche. Et le point commun de l’irruption du peuple ne doit pas cacher la différence des projets. Le populisme s’active à gauche contre les insuffisances de la démocratie et les insuffisances des politiques sociale.
L’auteur évoque (page 182) Ernesto Laclau qui distingue un populisme des classes dominantes instrumentalisant les masses populaire ou, pour prendre un terme moins péjoratif, le peuple-classe, au service de la classe dominante et un populisme des dominés à tendance égalitariste et socialisante. Il évoque aussi Pierre-André Taguieff qui distingue un populisme protestataire dressant le bas contre le haut, d’un populisme identitaire (etnos) dressé opposant un peuple authentique contre tout ce qui le dénature.
L’emploi du terme "protestataire" par le second témoigne d’une différence de conception de la "politique du peuple". E Laclau théorise un populisme de gauche voire marxisant car en capacité d’expliquer la "politique du peuple" d’un Besancenot en 2002 ou d’un Mélenchon dix après en 2012 (et ce malgré leurs différences de programmes) alors que PA Taguieff garde comme fil conducteur le positionnement par rapport à la démocratie (représentative). En ce cas le rapprochement opéré se fait entre Besancenot et Le Pen père puis entre Mélenchon et Le Pen fille ; ce qui relève bien d’une autre matrice explicative du populisme. On revient alors vers l’idée d’une démocratie représentative des élites agissant dans le cadre de l’alternance droite modéré-gauche modérée, cadre qui correspond par ailleurs à ce qu’on a appelé le cercle de la raison. Le "hors cercle" relève du protestataire non sérieux mais néanmoins à prendre en charge comme indice d’une démocratie à améliorer.
Christian DELARUE
1) La politique du peuple de Roger Dupuy a été publié en 2002 à la Bibliothque Albin Michel Histoire. Une postface fait état de la "commotion électorale du 21 avril 2002" qui a vu une montée des extrêmes avec Le Pen d’un côté et Besancenot de l’autre.
NB : Boulanger fut un général très populaire, né à Rennes en 1847, qui passe pour être un Républicain. Il fut un protégé de Clémenceau, alors bouillant leader de l’extrême-gauche radicale. Il s’est donné la mort à Bruxelles sur la tombe de sa maîtresse qui venait de mourir de tuberculose.