12 oct. 2009 : MINGA pour la MADRE TIERRA. D Mendez
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MADRE TIERRA et le SUMAK KAWSAY
Les Peuples autochtones de l’Amérique Latine, à travers leurs multiples organisations , alliées aux divers mouvement sociaux, s’engagent durant la semaine du 12 octobre dans une MINGA pour la MADRE TIERRA.
( Minga signifie regroupement d’une population pour réaliser une tâche collective)
Cette tâche entretient un rapport direct avec la soudaine prise de conscience de la catastrophe climatique par la communauté internationale qui donne toute son importance à la prochaine conférence des Nations Unies sur le climat à Copenhague.
Cependant, le respect de la Terre, la Pachamama, est depuis toujours au coeur de la philosophie qui sous -tend l’organisation socio -politique des Peuples autochtones du continent désigné sous le nom d’Amérique par les conquérants européens au 16 eme siecle.
Ces Peuples victimes d’un génocide, de la dénaturation de leurs structures sociales et de la destruction de leur milieu de vie, sont depuis longtemps conscients des menaces qui pèsent sur la Nature, et à l’occasion du Vème anniversaire de la Conquête,en 1992, ils sont entrés dans une nouvelle dynamique historique, une véritable Renaissance. Cette renaissance s’exprime à travers des centaines d’organisations sociales des divers Peuples de la cordillère et de l’Amazonie qui font preuve d’une grande créativité politique et d’une capacité de coordonner leurs actions en dépit de l’immensité du continent et de la diversité de leurs appartenance nationale.
Cette renaissance ( Pachakuti en Kichwa) est symbolisée par l’élection du premier chef d’Etat appartenant à un Peuple autochtone, Evo Morales et par la tenue de 3 Forums sociaux réunissant des représentants de l’ensemble des Peuples des Amériques , l’ABYA YALA, mais il convient surtout d’en retenir la maturité politique et la modernité inventive. La maturité politique consiste à partager leurs analyses et leurs actions avec les mouvements sociaux et politiques émanant des autres strates, non Indigènes, de la population . La modernité consiste à inscrire leur renaissance dans une vision politique critique du modèle politique dominant et dans la proposition d’alternatives qui ne se limitent pas à prôner un retour au passé . Ces alternatives puisent leur source dans le SUMAK KAWSAY ( Buen Vivir)Le Vivre Bien, c’est à dire : juste et solidaire des autres .
Les Peuples autochtones n’ont pas pris part à l’entreprise de spoliation et de dégradation de la nature qui a abouti à la dramatique menace de changement climatique ; ils ont au contraire été des protecteurs de la nature. Pourtant, ils sont aujourd’hui victimes de la série d’injustices politiques commises envers eux par les pays développés et ils sont également en première ligne parmi les victimes des désastres écologiques et sociaux devant résulter du changement climatique. Pour ces raisons, ils sont titulaires d’une créance politique envers les pays développés à laquelle s’ajoute une créance écologique, d’où l’exigence d’une Justice climatique
CONTRADICTION ENTRE LES REMEDES PROPOSES PAR LES INSTANCES INTERNATIONALES ET LES REMEDES PROPOSES PAR LES PEUPLES AUTOCHTONES ET LES MOUVEMENTS SOCIAUX ENGAGES DANS LE FSM.
A la base de cette radicale contradiction se trouve une divergence d’analyse des causes du changement climatique .
Pour les instances dirigeantes du monde , il n’y a pas lieu de remettre en question le libéralisme économique, sa mesure de la croissance, son orientation productiviste consumériste , il s’agit d’apporter des correctifs afin de limiter la production de gaz à effet de serre. Ces correctifs eux mêmes se fonderont sur les lois du marché.
Les Peuples autochtones et le mouvement social attribuent la responsabilité du changement climatique , au système neolibéral qui aggrave la dépendance et le mal-développement des pays du Sud à travers la multiplication des traités de libre échange et les mécanismes de la dette publique . .Ils critiquent le modèle productiviste consumériste avec l’appropriation privée des biens essentiels qui est source de dégradation de la planète et porte atteinte à la vie même.
LA LETTRE D’ EVO MORALES
Le 28 novembre 2008 , le président bolivien a adressé à la conférence des Nations unies sur le changement climatique qui se tenait à Poznan,. une lettre- programme qui contient les éléments basiques de l’engagement des diverses organisations sociale dans leur combat pour la Justice climatique, ses aspects politiques et ses aspects techniques .
Evo Morales propose : d’attaquer les causes structurelles du changement climatique
1-le modèle productiviste de croissance fondée sur l’exploitation sans limite de la nature
2-le modèle consumériste qui oblige à utiliser les énergies fossiles sources de dégradation climatique , et qui pousse maintenant à produire des bio combustibles . Cette dernière voie est la plus dangereuse car elle amène la destruction de forêts et de bio-diversité pour étendre la frontière agricole, elle génère la concentration des terres, détériore les sols, épuise les ressources en eau et enfin en réduisant la production vivrière porte préjudice à l’alimentation des peuples.
Evo Morales dénonce la responsabilité des pays développés qui ont une dette écologique historique vis a vis des peuples du Sud . Ils sont donc créanciers des pays développés . Du fait que le système néolibéral les a confiné dans le rôle d’ exportateur de produits agricoles et miniers , importateur de biens et services en provenance des pays développés, les obligeant à contracter des emprunts gigantesques auprès du FMI et des autres instances financières , ils sont écrasés par le poids de leur dette externe .
Evo Morales estime que les mécanismes du marché proposés depuis la conférence de Kyoto, sont incapables de réguler les émissions de gaz à effet de serre , ils sont plutôt une nouvelle source de profit pour les grandes corporations.
Le président bolivien demande la création d’un mécanisme financier intégral qui contienne des plans de développement soutenables respectueux de la nature et garantissant le transfert de technologies innovantes vers les pays du Sud . Cet organisme devrait être géré par les Nations Unies et échapper à la tutelle du FMI et autres IFI.
UN TRIBUNAL POUR LA JUSTICE CLIMATIQUE à COCHABAMBA
LE président Evo Morales, à l’occasion de la dernière Assemblée générale de l’ONU demandé la création d’un Tribunal pour la Justice climatique instance permanente capable de sanctionner les Etats et les entreprises qui violent la charte de l’environnement/
Ainsi le 13 et 14 octobre se tiendra à Cochabamba , la Première Audience du Tribunal International de Justice climatique .
Ce tribunal est organisé avec le concours la Plateforme bolivienne face au changement climatique, la Fondation Solon, organisations paysannes boliviennes, la CAOI (organisations indigènes des pays Andins), la COICA ( organisations indigènes de l’Amazonie,)le CICA, (Indigènes d’Amérique centrale), l’ONIC, (Indigènes de Colombie), ECUARUNARI (confédération des peuples kichwa d’Equateur,), organisations des Indigènes du Pérou ,d’Argentine etc . mais également REPRIB réseau brésilien d’intégration des peuples, Ecologista en Accion, Jubilée Sud, Amigos de la Tierra, Alianza social continental , OWINFS .
Ce tribunal a pour objectif général de longue haleine d’établir la responsabilité des Etats et des entre prises dans le réchauffement climatique et faire apparaître l’inanité des solutions actuellement proposées telles que le marché des droits à polluer.
Ce Tribunal doit contribuer à préciser les critères de qualification des délits et crimes écologiques.
Ce Tribunal, à travers l’enrichissement des concepts de dette écologique et de justice climatique, doit contribuer à la formulation des Droits de la Madre Tierra.
Ce Tribunal vise à être une entité permanente fonctionnant au delà des éventuelles décisions de Copenhague, un espace dans lequel les mouvements sociaux puissent exercer leur vigilance pour parvenir à un système de sanction des responsables de la destruction de notre planète.
Ce Tribunal climatique fonctionnera sur le modèle du Tribunal International des Peuples. En tant que Tribunal d’Opinion il vise à dénoncer les carences des institutions judiciaires internationales existantes et entretient ainsi la vigilance des Peuples .
DETTE ECOLOGIQUE , CRISE CLIMATIQUE ET LIBRE ECHANGE
L’organisation internationale Jubilée Sud qui s’est donné pour tâche, comme le CADTM , l’annulation de la dette externe des pays dépendants , s’est attachée à développer le concept de Dette écologique ; la dette écologique des pays du Nord envers les pays du Sud résultant de leur action prédatrice séculaire sur ces pays , action sur laquelle s’est fondé leur accumulation de capital . Cette exploitation prédatrice a provoqué des dommages écologiques considérables ; les dégats dramatiques causés par les compagnies pétrolières , en particulier en Equateur ont fait naître l’exigence de Justice climatique .
Les corrélations entre la Dette écologique, la Dette externe inéquitable et le modèle de croissance apparaissent dans toute leur clarté après 25 ans d’ajustement structurel néolibéral.
Le mouvement social latinoaméricain, tant les organisations des peuples autochtones que l’ensemble des autres organisations en lutte depuis les années 1990 contre les traités de libre échange ont établi les corrélations entre le Consensus de Washington imposant aux pays du Sud l’ouverture de leurs économies aux transnationales du Nord avec la garantie des traités de libre-échange donnant à ces entreprise la primauté sur les Etats ( mécanisme couronné par le tribunal d’arbitrage du CIRDI).
Cette prééminence des investisseurs étrangers sur les Etats était dejà dénoncée par le Commandant Marcos dans la première Déclaration lacandona en 1994 au moment de l’entrée en vigueur de l’ALENA.(Traité de libre échange Mexique/ Canada/ Etats- Unis) Les faits lui ont donné raison et depuis lors les batailles des mouvements sociaux contre les traités de libre échange n’ont jamais cessé et ont parfois été victorieuses (contre l’ALCA).
La bataille des Indigènes de l’Amazonie péruvienne ( Bagua) au printemps dernier, a été emblématique . Le gouvernement péruvien se proposait de réformer la constitution nationale pour la mettre en conformité avec les traités de libre -échange négociés avec les Etats-Unis et avec l’Union européenne. Il s’agissait d’abroger les articles concernant l’inaliénabilité des territoires des Communautés Indigènes , afin de pouvoir les vendre ou les concéder, à des compagnies minières étrangères qui ont entrepris l’exploitation de l’Amazonie
Le combat des Indigènes regroupés dans l’organisation AIDESEP a permis de bloquer l’opération en faisant connaître au monde entier la menace qui pesait à la fois sur les Peuples et sur l’environnement de l’Amazonie péruvienne..
RENCONTRE ALTERNATIVE A COPENHAGUE
C’est ainsi que la Dette écologique du Nord envers le Sud continue à augmenter , et cependant, elle n’est pas reconnue par les défenseurs officiels de l’environnement qui organisent la conférence de Copenhague.
D’où la nécessité de tenir à Copenhague une conférence parallèle qui pose les vrais problèmes et suggère des solutions . Les Latino américains anticipent sur cet événement en organisant une semaine de mobilisation autour du 12 octobre .
L’organisation internationale Via Campesina, la Confédération paysanne, le Mouvement des sans Terre et l’ensemble des organisations paysannes sont en première ligne dans la dénonciation de la responsabilité de l’agro- business dans les changements climatiques par l’abus de fertilisants, de pesticides et la destruction des forêts . L’Amérique Latine, en particulier, est victime de l’extension des monocultures d’exportation fomentées par les géants de l’agro- business . La corrélation, libre –échange, dés- industrialisation, concentration des terres pour les monocultures d’exportations , augmentation de la dette publique accompagnés de la promotion du modèle consumériste ont plongé les pays du Sud dans un Mal –développement, une déstructuration sociale par l’aggravation des inégalités et une destruction écologique .
Il faut rompre le cercle vicieux qui aggrave le changement climatique et la faim dans le monde .
Les organisateurs de la Rencontre parallèle de Copenhague poursuivent les mêmes objectifs que les organisations des peuples autochtones de Abya Yala ,ensemble, ils aspirent à promouvoir le Sumak Kaysaw, le Vivre Bien par la restauration de la solidarité et la sauvegarde de la Terre Mère .
Denise Mendez .octobre 2009